Incendies gigantesques au Portugal et au Groënland en 2017, en Californie, en Grèce et en Suède en 2018, en Australie en 2019 et jusqu’à ce début d’année… Ces méga-feux, comme on les appelle désormais, interpellent et remettent en cause la lutte « classique » contre les incendies au profit de la prévention, de l’adaptation et de la gestion du risque.

Indéniablement, ces méga-feux sont favorisés par les grandes mutations des sociétés humaines : réchauffement climatique, exode rural, perturbation des écosystèmes par abandon d’un entretien séculaire, reboisements à grande échelle… Outre l’impact écologique, ils tuent des dizaines de personnes piégées par les flammes et la fumée.

Dans nos régions méditerranéennes, une publication dans la revue Nature Communications en 2018 conduite par des chercheurs de l’université de Barcelone simule l’évolution des territoires soumis au risque d’incendies avec une augmentation de 1,5°C, 2°C et 3°C.

Crédit illustration : Marco Turco et al., 2018

 Dans un entretien publié par Reporterre, la philosophe Joëlle Zask, auteure en 2019 de l’ouvrage « Quand la forêt brûle » (éditions Premier Parallèle) prévoit qu’en 2050, 50 % des municipalités françaises seront exposés aux méga feux. Ces feux sont d’une telle intensité qu’ils génèrent leur propre climat, ce qui favorise leur expansion et accélère encore le changement climatique.

 Le risque augmente, que faire ?

Face à la recrudescence des grands incendies de forêt dans leur pays, les Californiens et les Portugais ont lancé des expériences de prévention des incendies de forêt … au moyen de troupeaux de chèvres.

Dans un article du New York Times du mois d’août 2019, le journaliste Raphael Minder pointe du doigt le problème de l’exode rural qui a conduit à l’abandon de terres autrefois pâturées ou cultivées. Sur ces territoires à l’abandon où la végétation inflammable explose, réinstaller des éleveurs, et en particulier de chèvres, redevient naturellement l’option la plus efficace, durable… et moins coûteuse !

Joëlle Zask insiste également sur l’importance de monter la garde, débroussailler, habiter le territoire, réaliser des brûlages dirigés en période propice…

Des pratiques de pâturage de défense de la forêt contre l’incendie (DFCI) sont déjà présentes en France méditerranéenne depuis le milieu des années 1980. Elles ont fait l’objet de très nombreux travaux de terrain partagés entre les services pastoraux comme le CERPAM et le service pastoral de la Chambre régionale de Languedoc-Roussillon, les services forestiers et la recherche, notamment dans le cadre du Réseau Coupures de Combustible.

Les troupeaux de chèvres, mais aussi de brebis ou de vaches des élevages de la région ont ainsi été largement mis à contribution dans les forêts provençales et languedociennes, et de nombreuses publications sur le pâturage DFCI ont été réalisées. Des dispositifs de mesures agroenvironnementales spécifiques ont même été inventés à la fin des années 1980 !

En effet, le pâturage des animaux permet de consommer la strate herbacée (absence de « matte sèche » à l’entrée de l’été) et une partie de la strate arbustive. En mangeant, les animaux créent une discontinuité horizontale et verticale au sein de la végétation, rendant la propagation d’un incendie plus compliquée, ralentissant la vitesse du feu, et facilitant l’intervention humaine.

Schéma : RCC n°12, Guide pratique pour l'entretien des coupures de combustible par le pastoralisme, 2009, page 3

 En complément, des actions de brûlages dirigés sont réalisées dans de nombreux départements méditerranéens en hiver, pour rouvrir le milieu, favoriser l’exploration des milieux par les troupeaux, rendre une ressource plus facilement valorisable par les animaux… ou tout simplement faire diminuer la biomasse combustible présente !

À l’heure où les Californiens inventent le sylvopastoralisme caprin pour réduire les risques d’incendie, promouvons et développons ces pratiques bien en place chez nous ! Et formons le vœu que la nouvelle Politique agricole commune en cours de négociation en fournisse pleinement les moyens règlementaires et financiers, notamment en permettant que les surfaces boisées et embroussaillées concernées restent éligibles aux aides !

Un panel de références et de publications sont téléchargeables gratuitement sous format PDF ou à commander sur le site des éditions de la Cardère ou consultables sur le site du CERPAM.

 Sources utilisées :