Gignac-la-Nerthe, une ville de plus de 9000 habitants coincée entre l’autoroute et l’Etang de Berre, à 12 km de Marseille et 30 km d’Aix-en-Provence, un territoire qu’on imagine peu agricole… Et pourtant !
Les plaines de ce secteur sud des Bouches-du-Rhône, densément peuplé et urbanisé, sont identifiées depuis plus de dix ans comme étant des zones à préserver par les différents documents de planification successifs.
A l’échelle du département, Conseil départemental, Métropole Aix Marseille Provence et Pays d‘Arles sont également engagés depuis 2016 dans l’élaboration d’un Projet Alimentaire territorial visant à développer une agriculture locale de qualité.
Dans ce cadre, la commune de Gignac-la-Nerthe a déjà acquis 9 ha de terres cultivées et irrigables pour l’installation de 3 maraîchers. Elle souhaite installer une activité d’élevage avec vente directe, en lien avec la Chambre d’Agriculture. Elle a sollicité le CERPAM pour réaliser un diagnostic pastoral avec l’appui financier du Conseil régional.
L’étude réalisée en 2019 portait sur deux espaces naturels préservés distincts au sein d’un environnement très artificialisé. L’un, le Bayon, est un petit mamelon de 14 ha d’espaces naturels appartenant à la commune. L’autre, La Loubatière, 21 ha de friches agricoles, est une propriété privée dont la mairie négocie la gestion. L’un et l’autre font l’objet d’une forte fréquentation de loisir, contrainte forte pour le futur éleveur.
Vue d’ensemble du Bayon, avril 2019 : un parcours séchant, de faible dynamique mais facilement accessible et au relief attractif
La Loubatière, vaste cuvette avec des caratéristiques hydromorphes, avec comme peuplement végétal dominant une friche à Brachypode de Phénicie, sur laquelle la dynamique arbustive est freinée par la densité forte de Brachypode de Phénicie et l’épaisseur de sa litière associée. Avril 2019
La plaine de Régouvi à Ensuès : La végétation en présence est une garrigue à chêne kermes, romarin et cyste blanc, dense, réouverte par débroussaillement mécanique dans le cadre de la DFCI, globalement bien enherbée. Le recouvrement arbustif peut aller de 40 à 80 % suivant les zones 2019
Plusieurs zones ont été traitées en brûlage dirigé à but DFCI, pour un élargissement Nord et Est de la BDS. Certains brûlages semblent très récents. Sur cette photo prise en avril 2019, on voit nettement la limite (trait rouge) entre zone traitée en brûlage (à droite) et zone non traitée (à gauche)
Un habitant de Gignac s’est récemment installé éleveur ovin, suite à une reconversion professionnelle et utilise deux parcelles prêtées temporairement par la mairie. Avec 80 brebis-mère, il souhaite se développer et recherche des terres pour cela. Les deux espaces envisagés par la mairie répondent en partie à son besoin de terres. S’ils permettent de couvrir les besoins de son troupeau actuel, ils seront insuffisants pour nourrir le futur troupeau de 300 brebis.
Il est donc indispensable de trouver des surfaces supplémentaires de friches et de colline pour permettre à l’éleveur un développement viable.
Or une zone de pâturage potentielle avait déjà été identifiée par le CERPAM sur la commune voisine : la plaine de Régouvi, situé sur Ensuès-la-Redonne. Il s’agit d’un vaste plateau traversé par une piste DFCI traitée en coupure de combustible sur une surface de 60 ha. Ce site, propriété du Conservatoire du Littoral, peut fournir un mois à un mois et demi de pâturage supplémentaire en plein printemps pour 300 brebis. La concertation et l’animation nécessaire au retour du pâturage ovin débutera au premier semestre 2020 après les élections municipales. Conservatoire du Littoral, ONF, commune d’Ensuès, chasseurs, gestionnaire DFCI et Natura 2000, tous auront à travailler ensemble pour permettre le pâturage de printemps des brebis de l’éleveur de Gignac. Les enjeux sont importants à tout point de vue : pour l’éleveur ayant besoin de surfaces, pour l’entretien de l’ouvrage DFCI et pour l’enjeu de conservation des pelouses.
C’est aussi sur son propre territoire agricole que la commune de Gignac devra chercher des surfaces complémentaires permettant à l’éleveur de boucler son calendrier d’alimentation et de réaliser l’agnelage dans de bonnes conditions : pâturage des chaumes de céréales après moisson en fin d’été (restoubles), déprimage en fin d’hiver des cultures fourragères voire même céréalières, jachères, pâturage des vignes enherbées à l’automne et en hiver, friches et campas…
Au bilan, les deux sites du Bayon et de la Loubatière peuvent assez facilement être mobilisés pour du pâturage ovin d’un éleveur local récemment installé. Assurant le rôle de base de pâturage, ils permettront son déploiement progressif pour un dimensionnement économiquement viable à 300 brebis-mère. Pour cela, ces surfaces devront être complétées par des parcours en colline et par des surfaces fourragères supplémentaire dans la plaine de Gignac, de façon à couvrir progressivement les huit mois d’alimentation hors estive du troupeau. Un bâtiment d’élevage sera nécessaire pour réaliser l’agnelage à l’abri des précipitations. Ainsi, cette installation peut être le socle d’une reconquête progressive de friches et d’une complémentarité forte entre activité agricole et élevage dans la plaine de Gignac, mais aussi d’un retour du pâturage sur le massif de la Côte Bleue à forts enjeux DFCI et environnementaux, enfin d’une production de viande de qualité en vue d’une commercialisation en circuit court.
Ou comment le point d’un départ d’une commune réalisant un diagnostic pastoral en lien avec un service pastoral bien implanté au niveau départemental comme régional comme le CERPAM, peut avoir de nombreuses conséquences positives et s’articuler avec tout un ensemble de politiques publiques et de gestions territoriales dépassant le simple territoire communal…