« Voilà, je suis arrivé dans le Var le 31 mars 1981, pour démarrer le sylvopastoralisme et donc c’est avoir un élevage en plein air intégral avec un troupeau acheté aux quatre coins de l’Alsace, un troupeau de race Est à laine Mérinos, très rustique que je connais depuis ma tendre enfance. Le 1er mai, j’avais des chiens de protection qui sont venus directement des Pyrénées. »

Le dimanche 1er décembre 2019 au soir, Henri Firn revenait de mettre son troupeau à l’abri, sous une pluie diluvienne. Il a été emporté avec son véhicule par les eaux.

Henri était un grand pastre. Il avait une connaissance profonde de ses animaux comme des milieux qu’il arpentait avec eux au fil des saisons, de la forêt varoise aux hautes montagnes des Ecrins. Henri vivait au cœur de la nature. Cela en faisait un être profondément humain. Un physique d’ours des montagnes, bourru, une grosse voix, avec ce regard malicieux, ce sourire en coin, ce franc parler… qui touchaient ses interlocuteurs, et parfois les piquaient à vif. Ce n’était certes pas un homme de compromis…

Henri a consacré sa vie à construire ses savoirs de berger et d’éleveur, à les formaliser avec les organismes techniques et la recherche, à toujours les remettre en cause et les perfectionner. Dès les années 1980, c’est largement chez lui et avec lui que l’INRA et le CERPAM ont longuement travaillé à élaborer les itinéraires techniques de l’élevage pastoral mis au service de la prévention des incendies de forêt. Ses brebis sont rompues à déjeuner de ciste dans les sous-bois méditerranéens l’hiver tout autant qu’à dîner de queyrel dans les alpages l’été.

Et déjà à cette lointaine époque, il était pionnier, aussi, des chiens de protection. Récemment, nous avons eu la chance de l’enquêter afin qu’il nous raconte le savoir qu’il a affiné sur ses chiens pendant 35 ans. Nous en avons gardé un enregistrement de deux heures qui prend aujourd’hui une grande valeur à nos oreilles. Si ses photos sont rares, sa voix nous restera.

C’est une immense perte, un immense chagrin de le voir partir dans des circonstances aussi dramatiques. La tragédie endeuille sa famille et son associée. Nos pensées vont à eux. Ce n’était certes pas dans ces conditions que Souad, elle qui a vécu les derniers instants d’Henri, envisageait de reprendre le troupeau. C’est aussi en mémoire d’Henri qu’elle prendra soin des brebis et des chiens qui lui étaient si chers…

La tragédie affecte toute la communauté pastorale. Puisses-tu Henri avoir gagné les verts pâturages de l’éternité, agrémentés de suffisamment d’arbres, de buissons, de rochers et de névés pour que tu puisses t’y sentir pleinement chez toi…

L’équipe du CERPAM