L’élevage pastoral confronté au changement climatique en Provence-Alpes-Côte d’Azur
Parole d’éleveurs et de bergers
Au-delà de la diversité des expressions, cette enquête, réalisée auprès de 29 éleveurs et bergers, dessine un tableau cohérent de la question de l’adaptation au changement climatique dans l’élevage provençal et alpin. C’est tout d’abord une prise de conscience généralisée de la réalité du changement climatique, forgée au fil des épisodes de sécheresse et de canicule qui se rapprochent depuis une vingtaine d’années. Au contact direct de la météo et de la nature, éleveurs et bergers sont sans doute les mieux placés pour en percevoir l’ampleur et les conséquences. Des étés caniculaires, des automnes à rallonge et secs, des hivers cléments et peu arrosés, des printemps incertains… fragilisent de plus en plus les schémas d’élevage établis de façon robuste de longue date. C’est désormais l’incertitude qui domine.
Face aux chocs climatiques, les éleveurs et bergers mobilisent toutes les marges de manœuvre sur la végétation que leur savoir de berger et leur principe de prudence leur ont déjà permis d’intégrer à leur système. Le large qu’ils ont devient l’assurance de passer l’année caniculaire. Chaque semaine gagnée, chaque journée gagnée, sur des fonds humides, des vallons inexplorés, des patchs de lierre, des campas abandonnés, leur assure la soudure. Mais toutes les marges de manœuvre qu’offre déjà la flexibilité du système pastoral ne suffisent plus face au changement climatique. L’heure est venue des grandes décisions. De plus en plus, les effectifs, les calendriers de reproduction, les modes de production et de commercialisation, commencent à être revus.
Le risque de réduction des cheptels déjà en cours pose bien des questions. Si elle ne s’accompagne pas de nouvelles installations, c’est la réduction des surfaces pâturées par l’embroussaillement et l’enrésinement qui va s’accélérer. Ce sont les risques d’incendie qui vont se multiplier, avec des températures en hausse et une matière combustible qui s’accumule. Dans un pays où 48 % de la viande ovine et 25 % de la viande bovine sont importés, l’élevage pastoral représente un formidable levier pour la résilience alimentaire. À l’heure où il est reconnu au Patrimoine mondial immatériel de l’Humanité, sa profonde singularité contraste de plus en plus avec le modèle d’intensification agricole. Local, sobre, respectueux du bien-être animal, il répond à bien des attentes sociétales. Face au changement climatique, des mutations de grande ampleur s’imposent aujourd’hui à lui. Mais le pastoralisme a un atout majeur : l’adaptation aux variations des conditions environnementales est constitutive de sa pratique. Pour s’adapter, il aura cependant besoin de tout l’appui possible. C’est l’ensemble des collectivités, des acteurs territoriaux et de la société civile qui auront un rôle déterminant à jouer.